Depuis 2020, le Parc Naturel Régional des Pyrénées Catalanes est au cœur d’une bonne nouvelle pour la biodiversité :
la redécouverte d’un insecte que l’on croyait éteint, la belle « mouche gypaète ».
Cet insecte remarquable est à la fois un exemple de l’effondrement des populations d’insectes et un symbole du manque d’attention que nous leur portons. Observée pour la dernière fois en 1836 dans les environs de Paris, il aura fallu attendre plus de 180 ans avant qu’elle soit retrouvée en France, d’abord en Ariège puis sur le territoire du Parc Naturel Régional des Pyrénées Catalanes.
Une mouche qui sort de l’ordinaire
Si l’identification des insectes est parfois ardue, chacun peut reconnaître la mouche-gypaète. Avec sa tête de couleur orange vif sur un corps bleu-sombre aux reflets métalliques, la Thyreophora cynophila des scientifiques ne peut être confondue avec aucun autre insecte. Et c’est d’autant plus vrai que sa biologie est elle aussi singulière : elle ne vole que durant la saison froide – ce qui pose de nombreuses questions quant aux adaptations qu’elle a pu mettre en place pour survivre au gel et à la neige – et elle recherche les cadavres en décomposition avancée de vaches, chevaux, moutons, sangliers, cerfs, mouflons… dont ses larves sont réputées consommer la moelle des gros os, justifiant par là son surnom de mouche gypaète.
Une trentaine de mouches gypaète observée crane de cheval, au col de Porté Puymorens
De l’extinction à la résurrection
L’Union internationale pour la conservation de la Nature a déclaré la mouche gypaète espèce éteinte en 2007 considérant qu’elle n’avait plus été observée depuis plus d’un siècle et demi. Deux hypothèses ont été avancées pour expliquer sa disparition apparente. La première met en cause la généralisation de l’équarrissage et la régression des populations de grands animaux sauvages. La seconde associe la disparition de la mouche à la disparition du loup, seul prédateur capable de briser les gros os et donc de rendre accessible la moelle osseuse dont les larves se nourriraient. Il faudra attendre 2010 pour que cet insecte soit trouvé en Espagne et 2019 pour sa redécouverte en France par Pierre-Mourrière, agent de la fédération des chasseurs de l’Ariège. Malgré cette résurrection, cette mouche reste très certainement menacée et il est inimaginable aujourd’hui de la retrouver dans les environs de Paris qu’elle fréquentait en 1830-40.
Corentin Larquier, entomologiste
Une espèce qui parait bien implantée dans le PNRPC.
Après cette première observation en Ariège, l’information circulant auprès des chasseurs, des naturalistes, des éleveurs et de divers professionnels (Office français pour la Biodiversité, Office national de la forêt, agents des parcs et réserves) a suscité l’attention et permis une dizaine de nouvelles observations dans les Pyrénées. Au sein du PNRPC, la mouche gypaète est désormais connue sur les communes de Angoustrine, Sansa, Dorres, Porté-Puymorens. Le maintien de la mouche gypaète est un indicateur de la capacité des écosystèmes du Parc à produire une ressource en carcasses utile à des oiseaux menacés (gypaète et autres vautours) mais aussi aux insectes qui se nourrissent sur les cadavres, les insectes nécrophages. Ces derniers sont souvent négligés mais la mouche gypaète peut être leur porte-drapeau. Dans le parc, la relative abondance des grands mammifères sauvages et le maintien de l’élevage adossé à un équarrissage naturel sont ainsi, par le jeu des interactions qui caractérisent le monde vivant, favorables à ce compartiment de la biodiversité.
Remerciements. Nous remercions vivement les observateurs de la mouche gypaète ou les personnes qui ont facilité la centralisation des observations : Frédéric CAMINADE, Arthur CHAPUIS, Laurent GAYRAL, Pierre GUITON, Vincent LACAZE (Association des Naturalistes de l’Ariège), Loïc VALLVERDU.
Laurent Pelozuelo, Frédéric Caminade (Enseignant de physique-chimie, naturaliste amateur et accompagnateur en montagne), Yves Braet, Frédéric Azémar, Corentin Larquier.
Mouche gypaète sur une biche prédatée © Fréderic Caminade
Mouche gypaète sur une carcasse de veau, Angoustrine © Fréderic Caminade
Que faire si j’observe une mouche gypaète ? Face à une telle rencontre, tachez de prendre une photo (même avec un téléphone portable) et notez la date et le lieu précis de votre observation puis communiquez ces informations. Vous pouvez le faire directement auprès de Laurent Pelozuelo, entomologiste de l’Université Paul Sabatier qui étudie cet insecte (adresse : lpelozuelo@univ-tlse3.fr) ou bien auprès des associations naturalistes, notamment via la base de données en ligne « faune France ».