Les effets de la pollution lumineuse…
photos ciels
Col del Pam, F © Guy Barbel
Gaspillage énergétique, oblitération de tout un patrimoine nocturne et privation pour la majorité de la population mondiale de la poésie d’une Voie Lactée traversant le ciel d’été, les effets de l’excès d’éclairage artificiel sur la biodiversité et la santé humaine sont de plus en plus étudiés. La pollution lumineuse aujourd’hui considérée comme une dégradation environnementale majeure, est paradoxalement peu médiatisée en raison de ses effets principalement insidieux sur la biodiversité.
… sur la biodiversité
Avec une croissance de 5 à 10% par an, la pollution lumineuse affecte en profondeur les écosystèmes en fragmentant et en isolant les populations lucifuges (espèces fuyant la lumière), en désorientant les espèces migratrices et en conduisant inexorablement les populations au contraire photophiles dans des pièges écologiques. Aussi l’éclairage nocturne est-il communément considéré comme l’une des causes premières de disparition des insectes, à partir de laquelle toute la chaîne alimentaire est déstabilisée. C’est la raison pour laquelle la notion de trame noire est de plus en plus étudiée dans la construction des corridors écologiques.
…sur l’homme
L’abolition du rythme de l’alternance jour/nuit, entravant la production de la mélatonine (hormone secrétée avec la baisse naturelle de luminosité, puissant antioxydant), est décrite par de nombreuses études récentes comme à l’origine de troubles divers chez les mammifères, en particulier chez les primates, dont l’humain en affectant entre autres l’endormissement. Encore peu étudiée puisque récemment identifiée et difficile à isoler dans un protocole expérimental, la pollution lumineuse semble en effet être chez l’humain un facteur favorisant le stress, l’anxiété, l’obésité, et montre des corrélations avec l’apparition de certains cancers (côlon, sein, prostate) et de troubles cardiovasculaires. La médecine du travail prend dorénavant en considération l’éclairage artificiel pour les travailleurs de nuit.
Les villages s’emparent de la question de la pollution lumineuse
La pollution lumineuse a des impacts sur l’Homme et sur la biodiversité au niveau planétaire. Nous avons dorénavant des études qui en prouvent les effets (cf encadré). Dans les parcs naturels régionaux, tous les commerces fermés la nuit ont obligation d’éteindre leurs lumières. En France, les parcs naturels régionaux ont passé un accord avec l’Association Nationale de Protection du Ciel et de l’Environnement Nocturne (ANPCEN), qui gère le label « Villes et Villages étoilés ».
Localement, les éclairages publics représentent un budget important des dépenses des communes et les équipes municipales se mobilisent pour se saisir de la question et allègent à la fois la facture énergétique et les dommages sur l’environnement.
L’expérience de FUILLA est intéressante puisque la commune a cherché à diminuer tous les impacts néfastes de l’éclairage public.
Mirabelle Lelièvre, 1ère adjointe de la Mairie de Fuilla, s’est concentrée avec l’équipe municipale sur cette problématique depuis 2014 : « Mantet avait déjà fait la démarche de Village étoilé et les maires avaient échangé sur l’intérêt environnemental et économique. Etant dans une situation budgétaire critique, la municipalité a compris qu’elle pouvait faire 50% d’économie en éteignant totalement la nuit. Nous payions alors 10 000 euros de facture d’éclairage public, un budget très lourd pour une petite commune ! Un sondage auprès des habitants a permis de révéler qu’une majorité d’habitants était favorable. Nous avons donc éteint totalement l’éclairage public la nuit. L’extinction nocturne de minuit à 6h a commencé en 2017. En été nous prolongeons l’éclairage jusqu’à 1h. du matin pour ne pas interrompre les parties de boules. Pour une économie d’énergie optimale, nous avons investi dans des horloges astronomiques, une technologie dont l’allumage et l’extinction sont évolutives selon la longueur des jours par référencement GPS.
Dans un second temps, nous avons fait le choix d’utiliser de lancer un marché public pour la rénovation du parc de luminaire avec passage en LED pour optimiser encore l’économie d’énergie avec un partenariat avec le SYDEEL (Syndicat départemental d’énergie et d’électricité des Pyrénées-Orientales).
Par le biais du Parc naturel régional des Pyrénées catalanes, nous avons obtenu un financement TEPCV (Territoire à énergie positive pour la croissance verte) pour la rénovation de l’éclairage public avec passage en LED. L’État a pris en charge 60 % des frais, le Département 20% et la commune le restant soit 2500 €, pour un résultat de 50% d’économie.
Nous avons remplacé 90 ballons fluorescents à vapeur de mercure, obsolètes et très énergivores, par des luminaires LED. Nous nous sommes clairement positionnés pour maintenir la même valeur d’éclairement car il arrive que le passage en LED aboutisse à une augmentation de la luminosité, qui va amener du surréclairement non nécessaire. A Fuilla, nous souhaitions rénover, à valeur égal. Il est important de le définir car nous nous engagions pour 30 ans. La vision d’avenir est importante. Avec la compétence du SYDEEL, nous avons pu tester plusieurs puissances sur la Départementale 6 et nous avons choisi une puissance de 24W au lieu de 44W sur les mâts de moins de 6m. La municipalité a tout de suite constaté que la facture éclairage public était passée de 10 0000€ à 2 500€ par an et les habitants sont satisfaits car le LED amène un confort de lumière. »
Aujourd’hui, le SYDEEL 66 gère l’éclairage de 34 communes du Parc naturel régional. Le partenariat avec les communes a permis la rénovation de 819 points lumineux sur 14 communes. Le budget total de travaux investis est de 692 000 €, dont environ 80% sont répartis entre le SYDEEL 66 et TEPCV. Le Parc naturel régional souhaite accompagner la réflexion des communes sur la sobriété énergétique à l’occasion du renouvellement des marchés d’éclairages publics.
Plus d’infos : https://www.anpcen.fr
Article à retrouver dans Le Journal du Parc n°22